Publié dans INEXPLORÉ N° 55 le 21/07/2022 – Thérapies © INREES
Auteur : Réjane EREAU
Et si le sommeil était une voie vers l’Éveil ? Dans la tradition indienne existe une pratique nommée « Yoga Nidra ». Connue pour ses vertus de relaxation profonde, elle est aussi un chemin vers la nature véritable de notre être.
S’allonger sur le dos, les yeux clos, une couverture sur soi, les jambes légèrement écartées et les bras confortablement étendus le long du corps. « Veillez à prendre conscience de votre environnement, de l’endroit où vous vous trouvez et du moment de la journée, » indique la voix calme et posée de l’enseignant. « Sentez votre corps allongé sur le matelas. Comment votre corps touche le matelas. Sentez le poids du corps contre le matelas. Le plan de contact entre le corps et le matelas. Puis dirigez votre attention vers les lèvres. Le plan de contact entre les lèvres… »
Pendant 20 à 45 minutes, les instructions s’enchaînent : porter l’attention sur les paupières, le dos, les bras, les jambes, les orteils. Côté droit. Côté gauche. Puis la respiration. Ensuite, l’instructeur invite à contacter des sensations : l’immobilité, le mouvement ; le froid, le chaud. Suivent des visualisations : un lieu qui nous ressource ; une activité qui nous plaît ; une plage au soleil levant ; un paysage d’été à midi ; une forêt en fin de journée. Au fur et à mesure, la pratique nous amène quelque part : d’abord le corps, puis le souffle, la sphère des émotions, puis celle des symboles… Om Tat Sat, la séance est terminée. « Vous allez sortir du Yoga Nidra tout éveillé, plein d’énergie, prêt à aller au-devant de votre journée. »
Un outil accessible
À l’école Yoga et Méditation Paris, la pratique de Yoga Nidra est systématiquement proposée – une fois les exercices corporels et de respiration terminés et avant la méditation finale. « L’énergie donnée par la partie physique du cours optimise l’expérience de Yoga Nidra », explique le fondateur de l’école, Christian Möllenhoff. « Et la détente que Yoga Nidra procure rend la méditation plus paisible et plus profonde. »
Début des années soixante : Swami Satyananda, fondateur d’une école de yoga et de méditation située dans l’État du Bihar, en Inde, modélise une méthode de relaxation en s’inspirant de pratiques tantriques ancestrales, « tout en les modifiant pour correspondre aux attentes des pratiquants modernes », précise Christian Möllenhoff. Car la relaxation « n’est pas un concept de la tradition yogi, estime l’enseignant ; il est apparu avec la psychologie occidentale ». Face au stress de ses élèves occidentaux et à leur déconnexion d’avec leur corps et leur esprit, Swami Satyananda aurait eu à cœur de concevoir un outil d’accès « rapide » – ou du moins facilité – aux espaces plus profonds de l’être.
Professeur de yoga et formateur en Yoga Nidra, Yves Plaquet confirme : « Swami Satyananda a imaginé un protocole accessible et clé en main qui, si on le respecte, induit quasi systématiquement un état de relaxation profonde. » Lui-même l’a vécu : « J’avais une vingtaine d’années, j’avais arrêté l’école très tôt et je ne savais pas quoi faire de mes dix doigts, raconte-t-il. Un peu par hasard, je me suis retrouvé dans un cours de yoga. » Avant de faire Yoga Nidra, on lui demande de choisir un sankalpa, c’est-à-dire une intention à répéter en début et en fin de pratique. Cela le fait rire : « Comme si ça allait changer quoi que ce soit ! » Mais une formulation s’impose à lui : « J’entreprends avec courage et assiduité. » Au fil des séances, il est obligé de le reconnaître : le pratiquant débutant qu’il était se met en mouvement. « Qu’une intention posée avant un exercice puisse avoir un tel effet dans la matière peut sembler fou, admet-il. Mais le déclic s’est fait très rapidement. Trente ans plus tard, cette énergie m’accompagne toujours. Ce premier sankalpa a vraiment changé ma vie. Il a été le point de départ de beaucoup de choses. »